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« On nous suit ? » s’inquiéta le pilote en jouant sur les commandes de la console avec toute la virtuosité d’un chef d’orchestre.

Lee Tong s’écarta de la vitre de la timonerie et abaissa ses jumelles.

« Je ne vois rien, fit-il. Sauf un étrange nuage de fumée noire à 2 ou 3 milles sur l’arrière.

— Probablement un puits de pétrole.

— On dirait qu’il bouge.

— Simple illusion d’optique. Le fleuve a l’habitude de jouer de drôles de tours. Ce qui paraît être à 1 mille se trouve en réalité à 4. On voit des lumières où il n’y en a pas et des navires semblant tout proches s’évanouissent comme par magie. »

Lee Tong scruta de nouveau le chenal. Il avait depuis longtemps appris à subir toutes ces histoires sur le Mississippi.

Le capitaine Kim Pujon était un pilote chevronné mais il avait conservé les superstitions de l’Asie. Il ne quittait pas le chenal et la barge des yeux tout en répartissent la puissance des quatre moteurs de 12 000 chevaux du pousseur. Les diesels tournant à plein régime trépidaient sous ses pieds, propulsant la barge à près de 25 kilomètres à l’heure.

Ils croisèrent un pétrolier suédois et le pousseur, un instant, se trouva pris dans les remous.

« Nous sommes encore loin des grands fonds ? demanda Lee Tong en se rattrapant pour garder son équilibre.

— Nous sommes passés en eau salée il y a une dizaine de milles. Nous devrions avoir franchi les hauts-fonds de la côte d’ici un quart d’heure.

— Tâchez de repérer un navire océanographique à la coque rouge battant pavillon britannique.

— Nous allons être recueillis par un bâtiment de la Royal Navy après le sabordage ? s’étonna Pujon.

— C’est un ancien navire marchand norvégien, expliqua Lee Tong. Je l’ai acheté il y a sept ans et l’ai reconverti en bateau hydrographique. C’est très pratique pour abuser les autorités douanières et les garde-côtes.

— Espérons qu’il abusera aussi ceux qui sont lancés à nos trousses.

— Et pourquoi pas ? Si des Américains s’inquiètent à notre sujet, on leur répondra avec le plus pur accent britannique que nous avons été repêchés et qu’on nous tient sous bonne garde. Et quand le navire océanographique accostera à La Nouvelle-Orléans, il y aura longtemps que vous, moi et notre équipage auront disparu. »

Le pilote tendit le bras :

« Le phare de Port Eads. Nous serons bientôt en haute mer. »

Lee Tong eut un sourire de triomphe.

« Maintenant, ils ne peuvent plus rien faire. C’est trop tard. Beaucoup trop tard. »

 

Le général Metcalf, s’appuyant sur sa longue et brillante carrière, ignora les menaces de Moran et mit les Etats côtiers du Sud en alerte. Chasseurs, canonnières et troupes d’assaut convergèrent sur la Louisiane.

Sandecker et lui gagnèrent le Pentagone en voiture pour diriger les opérations depuis la salle de Guerre. Une fois la machine lancée, ils ne pouvaient pratiquement rien faire d’autre que d’attendre les rapports en étudiant une immense photo satellite projetés sur un écran.

Le général ne parvenait pas à dissimuler son appréhension. Il jouait nerveusement avec ses mains en regardant s’allumer sur la carte les points rouges qui indiquaient la progression des différentes forces jetées dans la bataille.

« Combien de temps avant l’arrivée des premiers avions ? demanda l’amiral.

— Dix-douze minutes maximum.

— Les forces navales ?

— Au moins une heure, répondit Metcalf avec découragement. Nous avons été pris de court. Il n’y avait aucun bâtiment à proximité, sauf un sous-marin nucléaire qui croisait dans le golfe.

— Les garde-côtes ?

— Il y a un bâtiment au large de Grand Island. Il sera peut-être à temps sur les lieux. »

Sandecker examina la carte.

« J’en doute, fit-il. Ça représente une trentaine de milles. »

Metcalf s’essuya les paumes avec un mouchoir.

« La situation me paraît désespérée. Les avions ne peuvent servir qu’à des manœuvres d’intimidation. Il est impossible de bombarder le pousseur sans risquer de toucher la barge. Ils sont pratiquement collés l’un à l’autre.

— De toute façon, les Bougainville s’empresseraient de la couler.

— Si seulement nous disposions d’un navire dans les parages, nous pourrions au moins tenter une opération d’abordage.

— Et sauver Loren Smith et Margolin. »

Le général s’assit lourdement dans un fauteuil.

« Tout n’est peut-être pas perdu. Un détachement des commandos spéciaux de la marine doit arriver par hélicoptère d’ici quelques minutes.

— Après ce qui s’est passé avec les agents du F.B.I., ils courent au massacre.

— C’est notre dernière chance, fit Metcalf avec résignation. S’ils échouent, tout est fini. »

Le premier appareil à parvenir sur les lieux ne fut pas un chasseur à réaction mais un quadrimoteur de la Navy, un avion de reconnaissance qui se livrait à des études météorologiques. Le pilote, un homme d’environ vingt-cinq ans au visage d’adolescent, toucha le bras de son copilote et lui désigna un point sur la gauche.

« Un pousseur et une barge. C’est sûrement celle qui a déclenché tout ce cirque.

— Qu’est-ce qu’on décide ? demanda le copilote, un rouquin légèrement plus âgé que son compagnon.

— Communique la bonne nouvelle à la base. A moins que tu ne préfères la garder pour toi ! »

Moins d’une minute plus tard, une voix brusque s’élevait dans la radio de bord pour demander :

« Qui commande cet avion ?

— Moi.

— Moi qui ?

— Présentez-vous d’abord.

— Général Clayton Metcalf. »

Le pilote sourit en se frappant la tempe.

« C’est une plaisanterie ou vous êtes fou ?

— Ma santé mentale n’est pas en cause et ce n’est pas une plaisanterie, je vous l’assure. Nom et grade, je vous prie.

— Vous n’allez pas me croire.

— C’est à moi d’en juger.

— Lieutenant Ulysses S. Grant.

— Pourquoi ne vous croirais-je pas ? fit Metcalf en riant. J’ai connu un fameux joueur de base-ball du même nom.

— Mon père, fit le jeune homme avec stupeur. Vous vous souvenez de lui ?

— Malgré mes quatre étoiles, je ne suis pas encore sénile, répondit le général. Vous avez un équipement de télévision à bord, lieutenant ?

— Oui... oui, monsieur, balbutia Grant, réalisant à qui il s’adressait vraiment. Nous enregistrons des images de cyclones en formation pour les stations météo.

— Bien. Mes services de communications vont donner à votre opérateur vidéo la fréquence pour transmission par satellite au Pentagone. Braquez vos caméras sur le pousseur. »

Grant se tourna vers son copilote :

« Alors, mon vieux, qu’est-ce que tu dis de ça ? »

 

Panique à la Maison-Blanche
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